Sweet dream
En cette fin d'après-midi je m'en suis allée faire un tour du
côté de chez Swann avec les copines. Le soleil tombant de ce début du mois
d'octobre nous chauffe légèrement le visage. Juste comme il faut pour se sentir
bien. Les gens autour de nous semblent heureux, on se marre, on se retrouve. On
se promène le long des quais. C'est plutôt joli depuis qu'ils ont aménagé. Les
péniches et leurs terrasses où boire un verre se succèdent sur notre droite,
toutes plus attrayantes les unes que les autres. Finalement on décide de s'asseoir
à l'une d'elle. On commande un verre, on discute. C'est juste reposant d'être
là entre copines.
Et puis le temps s'assombrit d'un coup. On ne les a pas vu venir ces gros
nuages gris. On quitte la terrasse décidée à rentrer plus vite que prévu chez
nous. Les quais ne nous paraissent plus aussi accueillant que précédemment. Ils
ont un côté glauques avec ces herbes qui poussent en fouillis sur le bord. Apparemment,
ils n'ont pas dû être aménagé jusque là. Une branche de bois flotte sur le bord
du fleuve et les péniches ont disparu. Je me retourne pour le signaler à mes
copines. Mais elles sont déjà loin devant moi. Toujours à rigoler. Elles
tentent d'emprunter un vieux pont en bois à moitié moisi. Je ne me rappelais
pas non plus de ce pont en bois. Et ici le Rhône semble si étroit. Et lorsque
je veux ouvrir la bouche pour le remarquer, une copine manque tomber à l'eau.
Alors je m'élance, je lui tend la main, je la retiens. Tout le monde est sauf,
on a rejoint l'autre rive. On se marre se trouvant assez ridicule pour le coup!
Puis on regarde autour de nous, on réalise alors que nous ne sommes pas du tout
sur le chemin de la maison. Nous sommes devant un entrepôt tout aussi grisâtre
que les nuages du ciel. Et sortant du bâtiment, plusieurs personnes aux
vêtements les plus austères qu'ils soient. Leur visage semble figé en une
grimace des plus effrayante. On recule paniqué. Mais le pont qui nous a mené
ici n'est plus là. Envolé. Comme les péniches précédemment. Alors je cours.
Tout droit. Je sens que les copines font pareils dans mon dos. Sur le côté du
bâtiment, un pilier, cachant un recoin dans lequel je vais me cacher. Les
copines ne sont plus là. Je m'assoie sur une chaise placée devant un ordinateur.
Je ne prends même pas le temps de me demander pourquoi c'est ici. Je suis trop
apeurée. Sous mes yeux, des plans. Pleins se schéma du corps humain. Un corps
sans tête. Puis un corps avec une tête en plastique avec cette même grimace
figée qu’arboraient les hommes du bâtiment. Je recule. Je comprends. Il faut
que je retrouve les copines. Alors je sors de mon trou. Elles sont là, dos à
moi. Je crie leur nom. Je leur hurle qu'on doit fuir. Mais quand j'arrive à
leur hauteur, c'est cette même grimace figée qui m'accueille. Non. Ils n'ont
pas pu faire ça. Ils n'ont pas pu remplacer leur jolie petite frimousse par ces
masques en plastique. Mes yeux se remplissent de larmes mais cela ne m'empêche
pas de distinguer les points grossiers qui relient ce bout de plastique au corps
de mes copines.
Je ne peux plus rien faire pour elle. Je dois trouver un moyen de me sauver.
Trop tard. Les hommes austères de tout à l'heure sont devant moi. L'un d'eux à
un long couteau de boucher dans ses mains. Je le vois briller au dessus de moi.
Je cherche à m'échapper mais je ne peux pas. Derrière moi les murs de
l'entrepôt me bloquent. Je ferme les yeux. Je me sens chuter. Je tombe. Comme
dans un puit sans fond, je ne m'arrête plus.
Lorsqu’enfin je rouvre les yeux, je suis dans mon lit, chez moi, la tête
reposant sur mon livre traitant de l'industrialisation de l'audiovisuel. L'album de
Shakaponk tourne toujours sur mon PC.
Ce n'était qu'un rêve, un horrible cauchemar.